

Pour finir cette premiĂšre sĂ©rie de tests Game Boy en beautĂ©, nous allons nous pencher sur un jeu mythique, le premier, celui qui est Ă lâorigine du genre majeur qui dominera lâarcade dans les annĂ©es 90. Quoi, vous nâavez pas encore devinĂ©? Attention, vous allez vexer notre RainMakeR national: il sâagit bien entendu de Street Fighter II! Et lĂ , je vois dĂ©jĂ vos petits yeux qui brillent Ă lâidĂ©e de redĂ©couvrir ce monument du jeu vidĂ©o. Et bien prĂ©parez les mouchoirs, car cette « adaptation de jeu la plus improbable que lâon ait pu trouver » va faire couler des larmes.
Jâai longtemps rĂ©flĂ©chi Ă la maniĂšre dont jâallais rĂ©diger ce test. Je rĂ©flĂ©chissais encore et encore (si si, je vous assure: ça mâarrive parfois de rĂ©flĂ©chir), mais je nâarrivais pas Ă trouver un angle pour aborder ma critique. Puis finalement, je me suis rendu compte que la meilleure maniĂšre dâexpliquer les sentiments que suscite ce jeu, câĂ©tait de dĂ©crire ce qui sâest passĂ© dans ma tĂȘte la premiĂšre fois que je lâai eu en main, car je pense que la rĂ©action a du ĂȘtre similaire chez tous les amateurs de lâex-sĂ©rie phare de Capcom. Accrochez-vous, car vous allez passer quelques minutes dans la peau de WellcooK et votre santĂ© mentale risque dâen prendre un sacrĂ© coup!
Bien sĂ»r, aprĂšs avoir achetĂ© un jeu aussi mythique, on trĂ©pigne dâimpatience Ă lâidĂ©e dâĂȘtre chez soi, de le dĂ©baller avec prĂ©caution pour enfin insĂ©rer la cartouche dans la petite console monochrome. Cela va de soi, jâai vĂ©rifiĂ© que les piles Ă©taient chargĂ©es Ă bloc car je me voyais dĂ©jĂ passer des heures Ă castagner sec. Comme le dit si bien la Chose: « itâs clobberinâ time! »
Comme pour les premiĂšres versions consoles, on arrive directement sur lâĂ©cran titre avec le thĂšme musical si cher Ă nos cĆurs en fond sonore. Il nâen faut pas plus pour ĂȘtre immĂ©diatement plongĂ© dans lâambiance. Bon, pas la peine de tergiverser, jâappuie frĂ©nĂ©tiquement sur Start pour lancer directement une partie. LĂ apparaĂźt lâĂ©cran de sĂ©lection des personnages sur lequel on ne trouve que neuf visages. On sâen doutait, le casting a Ă©tĂ© rĂ©duit. Sur cette version, on peut donc jouer avec Ryu, Blanka, Guile, Ken, M. Bison, Chun-Li, Zangief, Balrog et Sagat (les noms sont ceux de la version occidentale). Je verse une petite larme en hommage Ă la disparition dâE. Honda, de Dhalsim et de Vega.
Comme un RainMakeR en culottes courtes, je choisis Ken parce que yâa pas Ă dire, câest quand mĂȘme un beau gosse et un personnage surpuissant, rien Ă voir avec cette tapette de Ryu. Bref, le hasard Ă©tant ce quâil est, mon adversaire est aussi Ken pour le premier combat. Avant que celui-ci nâait le temps de commencer arrive dĂ©jĂ une premiĂšre mauvaise surprise: les deux personnages sont rigoureusement identiques, il nây a aucun moyen de les diffĂ©rencier. VoilĂ qui va poser quelques problĂšmes en versus. Enfin pour faire du versus, il faudrait dĂ©jĂ avoir envie de jouer Ă ce jeu, car ce Street Fighter II est une vĂ©ritable catastrophe.
Le drame commence par la rĂ©alisation technique. En soit les graphismes sont trĂšs rĂ©ussis: on reconnaĂźt parfaitement les personnages, mĂȘme si leur rendu est un peu bizarre. Les dĂ©cors sont vraiment soignĂ©s et, bien quâils ne soient pas animĂ©s et quâil nây ait aucune interaction (comme les caisses du stage de Guile), ils sont les plus fidĂšles Ă leur version originale quâil mâait Ă©tĂ© donnĂ© de voir sur une adaptation Game Boy. Lâanimation par contre est vraiment catastrophique. Il nây a aucune transition dans les Ă©tapes dâanimation, les mouvements sont super saccadĂ©s. Câest bien simple: on dirait que les personnages se dĂ©placent en se tĂ©lĂ©portant sur de courtes distances ! Pour tout dire, jâai lâimpression dâĂȘtre devant mon Game & Watch Street Fighter II (tiens, il faudrait que je lui dĂ©die un test un jour).
Mais câest quand on sâattarde sur le gameplay que lâon touche le fond. Je vais essayer de deviner le cheminement quâa suivi la discussion des dĂ©veloppeurs pendant leur sĂ©ance de brainstorming:
– Quoi, on doit adapter Street Fighter II sur Game Boy? Mais la console nâa que deux boutons! Comment on va faire?
– TâinquiĂšte pas, on nâa quâĂ mettre deux coups de base et le tour est jouĂ©. Les Kevins nây verront que du feu. Et on pourra ensuite bosser sur le portage 3DO.
– Jâen ai marre de bosser sur des adaptations de Street Fighter II…
– Il va falloir tây habituer, dans 10 ans on en fera encore!
Et câest ainsi que lâon se retrouve avec un bouton pour le coup de pied fort et un autre pour le coup de poing fort: câest tout ce qui a Ă©tĂ© gardĂ© des six coups de base du jeu original. Bon, les dĂ©veloppeurs ont Ă©tĂ© gentil et ont quand mĂȘme introduit les variations dans les coups (liĂ©s Ă la distance par rapport Ă lâadversaire) que lâon peut voir dans la version originale. Bien sĂ»r, si vous jouez comme RainMakeR ces deux boutons vous suffiront, mais les joueurs de lâespĂšce des Homo Sapiens seront sacrĂ©ment déçus. Pourtant, en lisant la notice je vois quâil est marquĂ© quâil suffit dâappuyer briĂšvement sur un bouton pour faire un coup rapide, et dâappuyer plus longtemps pour un coup fort. Câest bizarre, je nâai vu aucune diffĂ©rence… Bon, je rĂ©essaye! (Oui, je suis parfois masochiste). Et en effet, en fonction du temps de pression les coups sont plus ou moins rapides. Mais bon, vu que les sprites restent les mĂȘme, la diffĂ©rence ne saute pas aux yeux. On perd donc finalement le principal intĂ©rĂȘt de Street Fighter II: un gameplay riche offrant de nombreuses possibilitĂ©s au cours dâun combat, et des personnages qui sâen trouvaient grandement diffĂ©renciĂ©s.
Allez, soyons fous, on peut aussi Ă©voquer les points positifs. Ca ne mange pas de pain et ce ne sera pas bien long: il nây en a que deux. Les thĂšmes musicaux sont vraiment bien restituĂ©s. Il sâagit certainement de lâune des bandes sons les plus agrĂ©ables que lâon puisse trouver sur Game Boy pour ce qui est des adaptations de jeux de combat. En mĂȘme temps, ces musiques sont tellement mythiques dans le cĆur des vieux joueurs quâelles nous feraient vibrer mĂȘme sur la minable sonnerie midi dâun vieux tĂ©lĂ©phone portable. Lâautre point positif vient du fait quâil ne sâagit pas de lâadaptation du Street Fighter II original, mais de lâĂ©dition turbo. Ainsi les personnages disposent dâune poignĂ©e de coups spĂ©ciaux supplĂ©mentaires, et certains coups de bases ont Ă©tĂ© retouchĂ©s. Mais bon, vu comment le gameplay a Ă©tĂ© charcutĂ©, on va dire que ce point nâa que peu dâimportance. Ah, et pour ceux que ça intĂ©resse, il y a aussi un mode « survival ».
Si je devais le comparer Ă un autre jeu, je dois dire que ce portage me fait furieusement pensĂ© Ă celui du premier Street Fighter sur mon Atari 520STE (lĂ , nos lecteurs les plus jeunes ne voient certainement pas de quoi je parle). Dans lâensemble le rendu est similaire, on dirait une transposition de lâunivers de Street Fighter II dans le moteur de Street Fighter. Si si, je vous assure, il ne sâagit pas dâun dĂ©lire mystique issu de la consommation de substances illicites. Câest vraiment la maniĂšre la plus efficace que jâai trouvĂ© pour dĂ©crire ce que me fait ressentir ce jeu, et ça me semble aussi la plus juste.
VoilĂ , jâespĂšre que vous ne garderez pas trop de sĂ©quelles de ce voyage dans mon esprit troublĂ© (et troublĂ© est vraiment un euphĂ©misme pour dĂ©crire le traumatisme quâa pu me causer ce jeu). Ce Street Fighter II sur Game boy est une vraie dĂ©ception. DĂ©jĂ Ă lâĂ©poque il Ă©tait difficile de le conseiller Ă quelquâun, alors je ne vous raconte pas ce que ça donne au jour dâaujourdâhui. Il faut vraiment ĂȘtre un fan absolu nostalgique atteint de collectionnite aigue pour vouloir se procurer ce jeu. Si vous voulez transporter Street Fighter II partout avec vous, tournez-vous plutĂŽt du cĂŽtĂ© de Super Street Fighter II Turbo Revival sur Game Boy Advance. Ah, et je tiens Ă remercier RainMakeR pour sa contribution passive Ă la rĂ©daction de ce test!
WellcooK