

Nom : World Heroes 2 Jet |
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Mesdames et messieurs, bienvenue pour cette deuxiĂšme escale dans notre voyage autour des « adaptations de jeu les plus improbables que lâon ait pu trouver ». La Game Boy, comme quasiment toutes les consoles Ă partir de la gĂ©nĂ©ration des 16 bits, a Ă©galement eu le droit Ă son lot dâadaptations de jeux SNK. A lâexception dâArt of Fighting, toutes les grandes sĂ©ries qui Ă©voluaient sur NeoGeo Ă lâĂ©poque ont eu le droit Ă au moins une conversion. Pour ce premier test dâun jeu tirĂ© de la « Rollâs des consoles », nous allons nous pencher sur la sĂ©rie phare de feu ADK: World Heroes.
Et plus prĂ©cisĂ©ment il sâagit de World Heroes 2 Jet, qui Ă©tait le dernier Ă©pisode en date de la sĂ©rie Ă lâĂ©poque. Lâadaptation nâest pas signĂ©e SNK, ni ADK, mais Takara. Ce nom ne vous dit rien? A la base, Takara est une entreprise fabricant des jouets, et qui a dĂ©veloppĂ© notamment la gamme des Transformers (excusez du peu), des Micronauts, ou encore, plus rĂ©cemment, de Beyblade. Dans les annĂ©es 90, Takara sâest lancĂ© dans le marchĂ© du jeu vidĂ©o en adaptant avec talent sur des consoles moins puissantes (Super Nintendo, Megadrive, Game Boy, GameGear) les gros hits de la NeoGeo comme Fatal Fury, Samurai Showdown, etc⊠Par la suite Takara dĂ©veloppera ses propres titres Ă lâarrivĂ©e de la Playstation premiĂšre du nom, dont le premier Battle Arena Toshinden qui faisait office de vitrine technologique pour la capacitĂ© de la console de Sony Ă gĂ©rer la 3D. Puis lâactivitĂ© vidĂ©oludique de lâentreprise a dĂ©clinĂ©, sans doute parce quâelle ne possĂ©dait pas de studio interne. Aujourdâhui, Takara ne joue plus quâun rĂŽle mineur dans le monde du jeu vidĂ©o. Toutefois, retenez ce nom, car il rĂ©apparaĂźtra rĂ©guliĂšrement dans cette sĂ©rie de tests sur « les adaptations de jeu les plus improbables que lâon ait pu trouver ».
Bon, je vais arrĂȘter lĂ mon hors sujet avant de me prendre une mauvaise note par mon professeur, et recentrer le dĂ©bat sur ce qui nous intĂ©resse: World Heroes 2 Jet. Pour une fois on peut partir sans Ă priori sur le gameplay de cette adaptation. En effet, la version originale du jeu se joue avec trois boutons : un bouton pour les coups de poing, un bouton pour les coups de pied et un autre pour les provocations. Sur Game Boy, cette configuration est reprise avec un bouton pour les coups de poing, un autre pour les coups de pied, et les provocations se font en appuyant que les deux boutons en mĂȘme temps. Enfin ça câest pour la thĂ©orie, car en pratique les provocations sont excessivement difficiles Ă sortir. Câest dâautant plus dommage que lâun des intĂ©rĂȘts du bouton de provocation est aussi de simuler un « KO » en faisant croire Ă lâadversaire que son personnage est dans les vapes. Cette possibilitĂ© du gameplay est pourtant une des plus originales et des plus tactiques du jeu original.
A lâexception de lâexemple citĂ© juste au-dessus Ă propos des provocations, il faut bien reconnaĂźtre que ce qui fait la force de cette adaptation câest la fidĂ©litĂ© avec laquelle les dĂ©veloppeurs ont tenu Ă restituer le gameplay. Ainsi, une pression brĂšve sur un bouton rĂ©sultera en un coup lĂ©ger et rapide, alors quâune pression plus longue donnera un coup fort. Une double pression dans une des directions rĂ©sultera en un dash, quâil est possible de faire vers lâavant ou lâarriĂšre. Les coups des personnages sont Ă©galement tous prĂ©sents, et lorsque deux personnages portent un coup en mĂȘme temps, ils se retrouvent tous les deux repoussĂ©s dans un claquement rappelant deux Ă©pĂ©es qui sâentrechoquent. Les dĂ©veloppeurs se sont mĂȘme fait un petit plaisir en rajoutant un super coup dĂ©vastateur pour chaque personnage, super coup dont on peut obtenir la manipulation en finissant le jeu. Pour finir, il est Ă©galement possible de renvoyer les projectiles vers lâadversaire en faisant une garde juste avant lâimpact, Ă la maniĂšre dâun just defend dans Garou : Mark of the Wolves (je sais, cette derniĂšre rĂ©fĂ©rence est anachronique). Bref, les amateurs du jeu original peuvent ĂȘtre rassurĂ©s, ils retrouveront vite leurs marques!
Lorsquâon avance dans le jeu, on se rend finalement compte que cette fidĂ©litĂ© maladive ne porte pas que sur le gameplay. Ainsi, on retrouve les deux modes de jeu de lâoriginal: lâun, maladroitement traduit par « training », reprend le dĂ©roulement classique dâun jeu de combat et lâautre, appelĂ© « tournament », propose dâaffronter les adversaires par sĂ©ries de 3. Il faut alors remporter 2 rounds sur les 3 pour passer Ă la sĂ©rie suivante. La grille des personnages permet de retrouver tous les hĂ©ros de la version originale, et il est mĂȘme possible de jouer avec le boss de fin Ă lâaide dâune petite astuce rĂ©vĂ©lĂ©e une fois le jeu terminĂ© (allez, je vous la donne: Ă lâapparition du logo Takara, il faut faire gauche, droite, A, B, bas, A, B et haut; vous entendrez un son qui vous indiquera que le code a marchĂ©). On retrouve aussi tous les dĂ©cors de la version originale, que ce soit dans un mode de jeu oĂč lâautre, ainsi que tous les thĂšmes musicaux. On a mĂȘme le droit Ă un petit bonus: aprĂšs avoir choisi son personnage, il est possible de le personnaliser dans ses caractĂ©ristiques. Ainsi, on pourra jouer un personnage Ă©quilibrĂ©, un personnage orientĂ© vers lâattaque, vers la dĂ©fense ou encore vers la rapiditĂ©. Personnellement, je nâai pas vraiment eu lâimpression que cela avait une rĂ©elle influence sur le jeu, mais bon, pourquoi pas.
LĂ oĂč le bas blesse, câest au niveau de la rĂ©alisation technique. Bien sĂ»r, on ne peut pas blĂąmer la console pour ses faibles capacitĂ©s. Câest plutĂŽt lâorientation artistique choisie par les dĂ©veloppeurs qui est critiquable, car elle a une certaine incidence sur la jouabilitĂ©. PlutĂŽt que dâessayer de restituer les personnages avec une certaine fidĂ©litĂ©, ou de choisir un style « Super Deformed » (caricature consistant Ă mettre une grosse tĂȘte sur un petit corps) complĂštement assumĂ© comme on peut le voir sur NeoGeo Pocket (je sais, cette remarque est encore anachronique), on se retrouve avec un style graphique hybride entre ces deux possibilitĂ©s. Câest Ă dire quâon a le droit Ă des personnages petits, pas vraiment proportionnĂ©s, mais dont le proportions ne changent pas quand ils portent un coup (dans la mesure oĂč ce nâest pas dans le concept initial du personnage, comme pour Raspoutine par exemple).
La premiĂšre consĂ©quence de ce constat, câest que la portĂ©e des coups faibles est extrĂȘmement rĂ©duite. Toucher son adversaire au corps Ă corps est trĂšs pĂ©rilleux. Du coup on se retrouve Ă placer surtout des coups forts, et les combos se font plutĂŽt rare. Les coups spĂ©ciaux ont une efficacitĂ© plus ou moins variable, mais ils ont tous le mĂ©rite de sortir trĂšs facilement. Un autre souci vient aussi des projectiles. En effet, par rapport Ă la version NeoGeo, lâespace sur lequel peuvent Ă©voluer les personnages est beaucoup plus vaste. Du coup, on arrive beaucoup mieux Ă voir venir les projectiles, et il sâavĂšre plus facile de placer une rĂ©flexion que sur la version originale du jeu, transformant parfois certaines sĂ©quences de combat en un Ă©change digne dâun affrontement au filet dans Virtua Tennis (il faudrait que jâarrĂȘte les anachronismes moi). Dâautre part, placer un projectile au corps Ă corps sâavĂšre assez pĂ©rilleux, car une garde un peu tardive Ă une fĂącheuse tendance Ă se transformer en rĂ©flexion de projectile. Cela est certainement dĂ» au fait que les personnages sont aussi plus mous que sur NeoGeo et, quand ils se dĂ©placent, ils donnent vraiment lâimpression de se traĂźner. Un autre point qui me semble obscur par rapport Ă l’original est la gestion des dĂ©gĂąts. Un mĂȘme coup lors d’un round pourra enlever une quantitĂ© raisonnable de vie, et parfois il pourra par contre en enlever la moitiĂ© voire les trois quarts! Je ne sais pas trop Ă quoi c’est dĂ», mais c’est assez frustrant par moment.
Du coup, alors que les dĂ©veloppeurs ont fait de gros efforts pour introduire tous les Ă©lĂ©ments du gameplay original, la rĂ©alisation technique du jeu en change complĂštement la dynamique. De plus, lâambiance festive du jeu sur NeoGeo disparaĂźt complĂštement dans cette adaptation. On se retrouve finalement avec un jeu qui, bien que reprenant les mĂȘme recettes que lâoriginal, nous offre une expĂ©rience complĂštement nouvelle. Au jour dâaujourdâhui, il est certainement trĂšs difficile de dĂ©couvrir avec plaisir cette adaptation, mais il faut bien reconnaĂźtre quâĂ lâĂ©poque, la recette Ă©tait extrĂȘmement efficace, et quâen versus, certaines sĂ©quences de jeux pouvaient sâavĂ©rer assez cocasses. Et pour ceux qui veulent rigoler un bon coup, n’hĂ©sitez surtout pas Ă finir le jeu avec Zeus, le boss de fin!
Au bout du compte, pour apprĂ©cier World Heroes 2 Jet sur Game Boy, il faut mettre le jeu dâorigine de cĂŽtĂ© et le prendre comme une nouvelle expĂ©rience dans lâunivers de World Heroes. Certes, le jeu prĂ©sente des lacunes, mais au-delĂ de la volontĂ© des dĂ©veloppeurs de restituer le gameplay le plus fidĂšlement possible, il propose une nouvelle approche de jeu, consĂ©quence directe de la rĂ©alisation technique. Nouvelle approche qui sâavĂšre finalement assez amusante et originale. Il est certainement difficile dâapprĂ©cier le rĂ©sultat si vous ne dĂ©couvrez le jeu que maintenant, mais Ă lâĂ©poque lâexpĂ©rience valait largement le coup dâĂȘtre vĂ©cue.
WellcooK