Karnov’s Revenge / Fighter’s History Dynamite

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Année de sortie : 1994
Genre : Baston
Développeur : Data East
SystĂšme : NeoGeo MVS, AES
Testeur : Yves Dandonneau
Co-testeurs : Désiré Landru, Razorval.
Testé le 25 décembre 2006

Il y a peu de chances que vous ne connaissiez pas Fatal Fury, Art Of Fighting, ou The King of Fighters. De mĂȘme, je suis quasiment convaincu que des sĂ©ries comme World Heroes ou Samurai Spirits n’ont aucun secret pour vous. En revanche, il y’a des jeux un peu plus obscurs qui n’ont pas bĂ©nĂ©ficiĂ©s de l’exposition mĂ©diatique des titres sus-citĂ©s ; pourtant, il n’existe aucun lien de cause Ă  effet avec la qualitĂ© intrinsĂšque de ces titres. Un jeu comme Karnov’s Revenge (Fighter’s History Dynamite dans son titre japonais) pourrait en ĂȘtre un parfait exemple



La génÚse

Karnov est tout d’abord un jeu de plate-forme mettant en scene le colosse cracheur de feu Jinborov Karnovzki sortit en arcade en 1988 et convertit sur de multiples plates-formes (Nes, Amstrad, Cpc
). AprĂšs des passages remarquĂ©s dans des jeux comme Tumblepop ou Bad Dudes, c’est en 1993 que le gros Karnov revient, mais cette fois-ci dans un jeu de baston en arcade et sur Super Nintendo : Fighter’s History, puis un an plus tard en 1994 sur Neo-Geo dans Fighter’s History Dynamite, alias Karnov’s Revenge. C’est ce dernier qui nous interesse ici.

Et dieu créa Karnov

Karnov’s Revenge est un jeu de combat en un contre un classique ou des combattants venus des quatre coins de la planĂšte s’affrontent dans diffĂ©rents dĂ©cors aux compositions musicales hĂ©tĂ©roclites. Le jeu se joue avec 4 boutons de maniĂšre trĂšs conventionnelle et le but et de remporter les 2
. nan, nan pardon, je divague COMPLETEMENT lĂ  ! Karnov’s c’est pas ça du tout. Karnov’s c’est une cartouche Neo-Geo pesant la bagatelle de 122Mb remplie Ă  ras bord de gros n’importe quoi.
Pour essayer de s’imaginer un peu le bordel que reprĂ©sente ce jeu, il faut impĂ©rativement aller contre nature. J’en sais rien, faut imaginer « Y’a t il un flic pour sauver la reine » rĂ©alisĂ© par Francis Ford Coppola, imaginer un hippopotame se reproduire avec un lĂ©murien ou pire, imaginer M. Pokora chanter une vraie chanson pour avoir une once d’idĂ©e approximative de ce Ă  quoi pourrait Ă©ventuellement ressembler Karnov’s Revenge.

Mais avant de rentrer dans le vif du sujet, un peu d’histoire.
Quand Capcom sodomisa les joueurs de la planĂšte entiĂšre en lançant Street Fighter 2 en arcade et en s’en mettant plein les poches, nombreuses furent les multinationales dirigĂ©es par des golden boys aux dents rayant le parquet Ă  avoir senti le bon filon. Toutes, ou presque, se lancĂšrent dans la pĂ©rilleuse expĂ©rience du plagiat.
DĂ©bordĂ© par toutes ces copies de plus ou moins bonne facture, Capcom laissa faire. Mais quand sorti le premier Fighter’s History en 93, les grands pontes de chez Capcom pĂ©tĂšrent un cĂąble et attaquĂšrent l’éditeur du jeu pour plagiat, considĂ©rant que le produit de Data East re-pompait de maniĂšre Ă©hontĂ©e la plupart des coups du jeu de Capcom, ce qui est fort vrai au demeurant.
Vous trouverez dans les manuels d’histoire du jeux-vidĂ©o que Capcom a Ă©tĂ© dĂ©boutĂ© et que Fighter’s History fut considĂ©rĂ© comme parfaitement lĂ©gal. Ce que l’histoire ne dit pas, en revanche, c’est que Data East ne s’en est pas tirĂ© Ă  si bon compte uniquement parce que leur bĂ©bĂ© se diffĂ©renciait suffisamment de Street Fighter II (malgrĂ© les Ă©normes ressemblances comme la musique sur l’écran de selection des perosnnages, ou la gueule de Ray parfait clone de Ken). Non, non. La vĂ©ritĂ© est que les jurĂ©s ont pris la manette, se sont lancĂ©s dans une partie de Fighter’s History, et ont explosĂ©s de rire. Par quelle hĂ©rĂ©sie du saint esprit peut-on comparer Street Fighter II et Fighter’s History ? Autant comparer un Kata avec les Super Star du Catch. Pourtant on ne peut pas nier que tous les coups spĂ©ciaux de Fighter’s History ont Ă©tĂ© honteusement, et sans aucune retenue, copiĂ©s sur Street Fighter 2, mais il est bien difficile de de les reconnaĂźtre tant la sauce Ă  laquelle ils ont Ă©tĂ© cuisinĂ©s a Ă©tĂ© relevĂ©e, chargĂ©e d’épices et de champignons (Ă  tendance hallucinogĂšne, bien entendu).
Fighter’s History Dynamite (Karnov’s Revenge), c’est Ă  la fois le cirque Pinder et Zapatta dans votre salon. Une sorte de carnaval divin qui s’anime dans votre Ă©cran.

L'écran de selection, inspiré de SF2

Baloooooooooooooooooooooooon!

La galerie de personnages propose des looks tous plus barrĂ©s les uns que les autres. Si les personnages de Street Fighter II peuvent entre comparĂ©s Ă  des caricatures de pratiquants de sports de combats divers et variĂ©s, ceux de Karnov’s peuvent entre assimilĂ©s Ă  des caricatures de caricatures de ces mĂȘmes pratiquants d’arts martiaux. Le trait est volontairement Ă©pais, les expressions faciales sont amplifiĂ©es, les voix, les bruitages et les mimiques sont sur-exagĂ©rĂ©es, bref dans le soucis de donner une Ăąme Ă  leur produit les dĂ©veloppeurs n’ont pas su se retenir et nous offrent un jeu qui dĂ©borde de vitalitĂ© et d’imagination. Karnov’s Revenge respire la joie de vivre et la gaietĂ©, les dĂ©cors sont tous dĂ©taillĂ©s, animĂ©s, drĂŽles et originaux. Les thĂšmes musicaux sont dans la mĂȘme veine et appellent instantanĂ©ment a la fĂȘte, surtout quand ils s’accĂ©lĂšrent en fin de round !.
Au niveau de l’ambiance à proprement parler, Karnov’s est une perle qui ne saurait souffrir d’aucune critique.
Pour remettre les choses dans leur contexte, je pense qu’il est utile de prĂ©ciser l’époque Ă  laquelle Karnov’s Revenge est venu violer notre pudeur de jeunes joueurs en dĂ©barquant ni d’Adam ni d’Eve. C’était au dĂ©but de l’annĂ©e 1994, l’annĂ©e mĂȘme de la sortie des 32 bits. On nous vantait alors partout de l’ultra rĂ©alisme a outrances, des polygones par dizaines de milliers Ă  mĂȘme de nous rapprocher de la rĂ©alité  Et lĂ , Karnov et ses potes dĂ©barquent, et nous offrent des stages assez incroyable comme un Inca probablement en train de faire une danse de la pluie dans le dĂ©cor de la savane africaine, l’Arc de Triomphe a deux pĂątĂ©s de maison de la tour Eiffel dans le stage de Paris, Zazie qui dispose d’un membre qui semble dĂ©mesurĂ© (quoique non, lĂ  c’est peut ĂȘtre trĂšs rĂ©aliste)
 Bref, nos repĂšres sont bouleversĂ©s et pour la deuxieme fois, on est Ă  nouveau traumatisĂ© (la premiĂšre fois c’était pour Street Fighter II quand mĂȘme
)
Evidemment, cette surenchĂšre jubilatoire se voit immĂ©diatement traduite en plein match. Les perso utilisent pour la plupart des attaques complĂštement loufoques donc cultes, adoptent une gestuelle dĂ©bile donc irrĂ©sistible (la posture de Karnov est fabuleuse !). D’ailleurs des persos il y en a 13 et, petit dĂ©tail, qui n’en est pas un, une fois que vous serez venu Ă  bout de Karnov dans son dĂ©sert, vous aurez l’immense surprise d’affronter OZ, un……… TAUREAU !!! Faudrait que je me renseigne mais il semble que l’herbe Ă©tait bon marchĂ© en 94 au Japon

Bien sur tout ceci serait bien beau si le jeu Ă©tait vide et pauvre techniquement, ce qui n’est heureusement pas le cas. Comme pour sa rĂ©alisation, Karnov’s adopte un gameplay qui vous entraĂźnera Ă  la limite de la rupture d’anĂ©vrisme ou la folie des programmeurs n’a pratiquement plus aucune limite.

Qu’est ce que Karnov a dans son (gros) ventre ?

Karnov’s Revenge peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme de la premiĂšre vague des jeux de combat 2D, entendez par la « sans barre de super ». Les affrontements opposent donc 2 personnages qui vont devoir se mettre sur la gueule dans la plus simple expression. Pas de barre de super, donc pas de furie, pas de break, pas de cancel mais aussi pas de guard crush et encore moins de barre de stun.
Tiens, les stun, parlons en un peu. Une des originalitĂ©s du jeu est que chaque personnage dispose d’un point faible, gĂ©nĂ©ralement un vĂȘtement ou un accessoire, qu’il suffit d’atteindre 2 ou 3 fois (quelle que soit la puissance des coups portĂ©s du reste) pour le faire tomber dans les pommes. Une fois ceci fait, le vĂȘtement tombe (si c’est les bottes, votre perso finira le round pieds nus, etc) et vous ĂȘtes Ă  l’abri pour le reste du round. Ceci peut sembler n’ĂȘtre qu’une anecdote mais pourtant, cet Ă©lĂ©ment devra ĂȘtre pris en considĂ©ration. Nous y reviendrons.
A cotĂ© de cela, Karnov a aussi cette particularitĂ© de se jouer Ă  4 boutons mais avec une config. dĂ©passĂ©e : A et B sont les 2 boutons de poings et C et D les 2 boutons de pieds. Ca peut dĂ©stabiliser au dĂ©but, mais on s’y (re)fait trĂšs rapidement. En dehors de ces coups de base (et de leurs Ă©ventuelles dĂ©clinaisons au corps Ă  corps) : rien ou presque. Une choppe tout au plus (avant+ B dans le cas gĂ©nĂ©ral, mais ça dĂ©pend des persos) et puis c’est tout. Ne cherchez pas de casse garde, de burst cancel en option select ou d’autres excentricitĂ©s, vous perdriez votre temps. Au niveau des mouvements, idem, c’est le minimum syndical : 1 hauteur de saut, un back dash et c’est tout.
Mais alors, qu’est ce qu’il a pour lui ce Karnov’s Revenge ?
Et bien dĂ©jĂ , il faut savoir qu’il y a quand mĂȘme un systĂšme de chain combo qui est plutĂŽt bien pensĂ© (surtout pour l’époque !) oĂč les coups faibles s’enchaĂźnent parfaitement avec les forts permettant de faire assez simplement des combos plutĂŽt longs, ce qui est toujours plaisant et offre une rĂ©elle libertĂ© par rapport aux Fatal Fury par exemple.

Ensuite, il y a de nombreux coups spĂ©ciaux qui sont des coups « Ă  rallonge » ; ils collent plusieurs hits d’affilĂ© Ă  l’adversaires et permettent gĂ©nĂ©ralement de continuer ensuite sur un combo ou un pressing de maniĂšre extrĂȘmement cruelle. RĂ©sultat, on passe son temps Ă  subir les assauts adversaires en cherchant la moindre faille Ă  exploiter, le tout avec les possibilitĂ©s limitĂ©es du jeu. Et c’est la tout l’intĂ©rĂȘt du soft : ĂȘtre capable de s’extraire de pressings quasi infinis en trouvant la microseconde (j’exagĂšre a peine !!!) durant laquelle vous allez pouvoir vous en sortir pour prendre Ă  votre tour le rĂŽle du bourreau. Heureusement que vous avez le droit de rester en garde a l’infini (c’est dans cette optique que les choppes, bien qu’impossible Ă  dĂ©chopper, ne retirent que peu de barre de vie) et que vous pouvez toujours garder l’espoir grĂące aux « points faibles » dont je parle au-dessus. DĂ©s lors tout est question de stratĂ©gie : pour l’attaquant, de produire les assauts les plus efficaces tout en couvrant son point faible et pour le dĂ©fenseur, de tenter de toucher ce point faible tout en tentant de s’extirper du pressing adverse.
Pour favoriser ces attaques rĂ©pĂ©tĂ©es, il est Ă  noter qu’il y a dans Karnov’s de nombreux coups spĂ©ciaux « originaux » dans leur exĂ©cution d’une part, mais aussi dans leurs effets. Des coups que l’on reverra dans d’autres titres, mais qui sont ici prĂ©curseurs. Qu’il s’agissent de flammes rampantes au sol et que l’on peut suivre Ă  loisir, ou de coups vous donnant un contrĂŽle total de votre personnage dans les airs (pour Ă©videmment essayer de briser la garde adverse), ces coups d’un genre nouveaux posent les bases du systĂšme de « trap » qui sera repris (et Ă©videmment amĂ©liorĂ©, hein) dans les Guilty Gear par exemple. CouplĂ© Ă  la vitesse du titre, on en arrive rapidement Ă  des phases de jeu ou il faut rĂ©flĂ©chir et prendre des dĂ©cisions trĂšs vite pour ne pas ĂȘtre pris de court et c’est ce genre de montĂ©es d’adrĂ©naline qui donnent un cachet si particulier a ce soft.

Les dĂ©veloppeurs ont aussi oubliĂ© la notion de « recover » dans leur jeu. C’est bien simple : 95% des coups spĂ©ciaux sont garantis sans temps mort, et c’est d’ailleurs en exploitant ce type de dĂ©tails qu’on arrive Ă  rĂ©aliser des combos infinis, qui sont lĂ©gions dans le jeu. Il faut donc en user, en abuser mĂȘme, que ce soit pour zonner ou pour attaquer. On peut ĂŽter de son esprit l’idĂ©e de recevoir une contre attaque foudroyante et l’on peut dĂ©s lors se concentrer sur son pressing et sur la rĂ©action adverse. Imaginez vous un Street Fighter II ou les dragon Punch de Ryu et Ken ne les font pas sauter, ou ils ne prennent pas la pose aprĂšs leurs Hadoken, ou l’on ne puisse pas se baisser sous leurs Tatsu et peut ĂȘtre que vous aurez une vague idĂ©e de ce vers quoi tend Karnov’s Revenge

Comme dĂ©cidĂ©ment ce jeu ne fait rien comme les autres, il est Ă  noter que la plupart des personnages (mais pas tous ! En cela aussi Karnov Ă©tait hors du commun) disposent d’une « botte secrĂšte », un coup spĂ©cial ultime, qui est gĂ©nĂ©ralement un coup spĂ©cial amplifiĂ© ; qui fait plus de dĂ©gĂąts. On peut le faire quand on le veut, aucune condition particuliĂšre Ă  respecter. La seule chose est que la manip est gĂ©nĂ©ralement plus compliquĂ©e (du genre demi-cercle de l’arriĂšre vers l’avant mais en passant par le haut au corps a corps avec Marstorius) et demande un temps de prĂ©paration et dispose d’un recover assez long (AllĂ©luia!!!).
On terminera la partie gameplay en prĂ©cisant qu’une autre des forces de Karnov’s Revenge, c’est de proposer des persos qui se jouent tous de façons trĂšs diffĂ©rentes. Il y en a pour tous les goĂ»ts et chaque personnage dispose d’un style trĂšs diffĂ©rent, rendant les combinaisons d’affrontements Ă  chaque fois unique. C’était une des premiĂšres fois ou il y avait plusieurs personnages fĂ©minins, plusieurs choppeurs ou plusieurs personnages Ă  charge, permettant Ă  chacun d’y trouver son compte.

Conclusion

Pour toutes ces raisons, on peut affirmer aujourd’hui que Karnov’s Revenge a bien jouĂ© un rĂŽle trĂšs particulier dans l’histoire des jeux de baston. Son aura est tellement forte qu’il existe au Japon un DVD de la collection « insanity » rĂ©servĂ© aux secrets du jeu et qu’il est encore organisĂ© de gros tournois dessus. Autre caractĂ©ristique, c’est une des meilleurs cartouches Neo-Geo AES niveau rapport qualitĂ©/prix. A 30€ la cartouche, vous n’avez plus aucune raison de ne pas craquer ! Un titre mĂ©morable dont il nous tarde d’avoir des nouvelles, SNKP en ayant rĂ©cupĂ©rĂ© tout rĂ©cemment les droits


A noter que Karnov’s Revenge a connu une suite sur Super Famicom dans un Ă©pisode qui tournait autour du personnage principal. Fighter’s History Mizoguchi Kiki Ippatsu, puisque c’est son nom, Ă©tait bel et bien un jeu de baston, mais il proposait un mode story complĂštement barrĂ© (une sombre histoire de pieuvres d’Osaka
), un mode practice, un mode team (jouable a 4 !) et plein d’autres petites choses a cotĂ©.


Testeur: Yves Dandonneau
Mise en page: WoVou

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